« Un Jour, le Nil », le film perdu de Youssef Chahine de retour

Chaïmaa Abdel-Ilah Mardi 25 Août 2020-14:50:27 Art
« Un Jour, le Nil », le film perdu de Youssef Chahine de retour
« Un Jour, le Nil », le film perdu de Youssef Chahine de retour


Le grand cinéaste égyptien Youssef Chahine avait une grande liberté dans l’exposition de ses films et de sa vision cinématographique. Cette liberté s’est exprimée, par exemple, dans « Un Jour, le Nil », film qui était une commande conjointe des gouvernements égyptien et soviétique en 1964. Chahine a donné sa version de la construction du barrage d’Assouan. Visible de nos jours grâce à la Cinémathèque Française, qui en possède la seule copie, ce film dévoile les qualités habituelles de ce grand réalisateur humaniste, selon le site lemagducine.fr.
Pour immortaliser « l’amitié égypto-soviétique » et chanter les louanges du chantier monumental du barrage d’Assouan, un film est commandé officiellement, qui devait être une vaste superproduction internationale, avec des décors splendides et des scènes grandioses. Le tout est confié aux bons soins de Youssef Chahine, qui était déjà le plus célèbre cinéaste égyptien avec des succès comme « Les Eaux Noires » ou « Gare Centrale ». Celui-ci venait justement de réaliser « Saladin », une superproduction de trois heures, avec reconstitution historique et de nombreux figurants. Il semblait tout désigné pour le travail.
C’était oublier la liberté qui animait le grand réalisateur.
Le film « Un jour, le Nil » ne sortira pas sur les écrans en 1964. Ayant déplu aussi bien au Caire qu’à Moscou, il sera censuré et Chahine sera sommé de refaire un film qui correspond mieux au projet d’origine. Il trouvera d’autres acteurs, tournera d’autres scènes et reprendra des plans déjà utilisés dans « Un Jour, le Nil » et l’ensemble donnera « Ces gens du Nil », qui sortira quatre ans plus tard et que Chahine reniera immédiatement. De « Un Jour, le Nil » il ne restera qu’une seule et unique copie, que Chahine confiera à Henri Langlois, de la Cinémathèque Française. 

Pourtant, dans l’ouverture du film, tout semble donner une belle image du barrage. Le chantier est le point de rencontre de nombreux peuples (dans le film, on entend majoritairement de l’arabe égyptien et du russe, mais on croise aussi de l’anglais, du français…) et, pour certains personnages, c’est l’occasion de s’élever socialement. On y croise des personnes visiblement heureuses et dont la cohabitation est fructueuse.
En bref, autant de petites idées qui, assemblées, donnent un portrait de l’Egypte (et, dans une moindre mesure, de l’URSS).
Mais Chahine est aussi un indécrottable optimiste. Son film n’est pas, à proprement parler, un drame. Chahine adopte un ton léger, refusant de sombrer dans le pathos ou le film à thèse. Mais cet optimisme, il le place dans le peuple, dans ces images de coopération entre personnes de cultures et de langues différentes qui parviennent à dépasser ces barrières en se concentrant sur l’essentiel : l’humain. Il y livre un état des lieux de la situation sociale de son pays et il s’y concentre sur les relations humaines plutôt que sur la construction du barrage.
Bref, « Un jour, le Nil » est un film typique de Chahine. Donc un grand film.

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